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Concours..
14/11/2005 15:18
Jour J…..nous nous retrouvons 1500 postulants au 31 rue d’Ulm , entassés devant les Arts Déco….1500 pour 40 places..
Dès l’ouverture des portes , une marée humaine se bouscule pour envahir salles et amphis ou va se dérouler la première épreuve….les meilleures places sont prises d’assaut et très vite occupées , les moins débrouillards partent d’emblée avec un lourd handicap , surtout pour une discipline comme le dessin de plâtre , un buste posé sur son piédestal au milieu de la salle….tout autour , cartons et papiers sur chevalets , les concurrents s’agglutinent essayant de se placer au plus près possible du sujet à dessiner.
A ce jeu là , je ne suis pas le plus fort , avec O. , nous nous retrouvons exclus en périphérie de la meute , très loin du modèle , à tel point qu’il nous faudrait des jumelles pour apercevoir le modèle , qui plus est pratiquement entièrement masqué par une forêts de nuques et chevalets , pour distinguer vaguement quelque chose , hormis les premiers rangs ,tout le monde travaille debout.
O. , c’est mon copain marocain de l’Atelier Penninghen , le surdoué….il y a peu de temps , il potassait seul des bouquins en gardant des chèvres dans le Rif….il à eu son bac à 15 ans avec mention très bien….aujourd’hui il poursuit sa trajectoire grâce à une bourse de son gouvernement…… Cela s’annonce mal , nous n’aurons d’autre solution que copier du mieux que l’on pourra les dessins de nos voisins, si eux-mêmes parviennent à voir quelque chose , ce que je m’apprête à faire , misant tout sur une technique sans faille assimilée par des heures et des heures d’entraînement intensif .
O. m’attrape le bras au moment où je m’apprête à tracer le premier trait…-Attend !!...ne nous précipitons pas….réfléchissons un peu….nous sommes quinze cent , la plupart possèdent une technique au moins égale sinon supérieure à la nôtre , le jury va avoir du mal à différencier les meilleurs , il faut trouver un moyen de se faire remarquer si l’on veut avoir une chance de surnager au-dessus du lot.-
Au lieu de s’atteler à la tâche , tranquillement , nous nous mettons à déambuler parmi les chevalets en examinant d’un œil attentif le labeur de nos confrères ;
-Tu vois c’est ce que je disais , tout le monde fait la même chose , à nous de trouver une idée pour faire autrement !-.
Nous regagnons notre place , face à notre feuille désespérément blanche , je le regarde , interrogatif , il a le visage crispé dans une intense réflexion , soudain , son œil s’allume , dans un large sourire il s’écrie : -J’ai trouvé….fais comme moi , oublions tout ce que l’on nous a appris , pendant un an nous avons travaillé les ombres , on va faire l’inverse , on va s’occuper de la lumière !!!-.
A grands coups de l’arête du fusain , nous barbouillons notre feuille jusqu’à ce qu’elle soit entièrement noire , ensuite , la gomme mie de pain à l’aide de laquelle nous faisons sortir les blancs du modèle , nous marquons les demi-teintes en estompant du bout des doigts…..le résultat est surprenant , bien plus fort qu’une réalisation académique classique….une vaporisation de fixatif , nous inscrivons notre nom en bas à droite , nous plions le coin pour le masquer , suivant le règlement , un bout de scotch pour le maintenir et garantir l’anonymat du rendu , c’est terminé , il ne nous resteplus qu’à déposer notre œuvre avec les autres.
Une semaine d’épreuves…un premier écrémage nous ramène à 100 candidats…
Une deuxième pour déterminer les 40 vainqueurs….
O. a terminé premier et major de la promotion….moi 38ème……
Nous avons eu les deux meilleures notes en plâtre….19/20 .
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C'était bien...le Conti..
07/11/2005 15:01
Dans les années 64/65 , je passe le clair de mon temps libre dans un bistrot du quartier de l'Odéon , Le Conti , il se situe à l'angle des rues de Buci et de l'Ancienne Comédie … avec une bande de copains nous en avons fait notre quartier général , il présente l'avantage d'être à deux pas du "Mazet " , restaurant Universitaire qui nous nourrit midi et soir et le couple de patrons , auvergnats rondouillards joviaux le cœur sur la main nous considèrent tous comme leurs enfants , turbulents le plus souvent , ils ferment les yeux sur nos frasques et prêtent toujours une oreille attentive à nos plus intimes confidences , indispensable trait d’union de nos rencontres , ils nous connaissent par nos prénoms et n'ignorent rien de nos joies ou chagrins .
J'ai même fini par emménager chez une amie rencontrée dans ce bar , une chambre d'hôtel peuplé d'étudiants dans la rue voisine , rue Grégoire de Tours , la seule du groupe à ne pas être étudiante , elle est photographe , en dehors de deux ou trois "Art-Déco" le reste est très varié , on y trouve pêle-mêle des IDHEC ( cinéma ) , des "Philo" , des "Science-Po" , des "Beaux-Arts" et une foule d'habitués ou pas , hauts en couleur ou passe-muraille , on a même la chance de côtoyer des célébrités comme le sculpteur Giacometti qui vient chaque soir écrouler sa silhouette décharnée sur le zinc le nez dans son verre de blanc , perdu dans un monde intérieur , étranger au nôtre .
La journée occupée ailleurs c'est le soir jusque très tard dans la nuit que l'endroit devient un extraordinaire centre de vie , attablés jusqu'à la fermeture à refaire le monde , nous poursuivons le plus souvent jusqu'au matin , chez l'un ou chez l'autre d'interminables débats dont le sérieux le dispute au loufoque quand nous ne lançons pas dans des tournois de rami ou autres jeux de cartes .
Aux premiers beaux jours la terrasse s'étale sur le trottoir et le carrefour Buci devient magique , une foule bariolée déambule entre les tables au milieu de cris , de rires ou de chansons reprises en chœur , les voitures scintillantes se fraient difficilement un passage à grand renfort d'avertisseurs , de l'autre côté de la place à l'angle de la rue Mazarine et de la rue Dauphine un autre café peuplé d'une autre population semblable à la nôtre mais néanmoins totalement étrangère , c'est une autre tribu , un autre territoire que nous ne fréquentons pas.
La plupart d'entre nous logent dans des chambres exiguës du quartier et ne les rejoignent que pour y dormir le moins possible , la vrai vie est dehors , ici c'est chez nous c'est là que tout se trame , se dessine et se décide , c'est là que les couples se font ou de défont que les amitiés se lient ou se délient que se permettent des rencontres improbables ,inimaginables en d'autres lieux ou d'autres circonstances .
Je passe de moins en moins la Seine pour rejoindre ma chambre de la rue Vivienne que je prête fréquemment à des rencontres de passage , ma logeuse d'ailleurs ne tarde pas à me signifier mon congé , et mon carton à dessin sous un bras , ma valise au bout de l'autre je m'installe définitivement dans le provisoire….
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Dunes..
03/11/2005 14:38
Pour paraphraser Gérard de Nerval , je dirais :
«Moi j’ai perdu royaume après royaume et province à province, la plus belle moitié de l’univers, et bientôt je ne vais plus savoir où réfugier mes rêves ; mais c’est le désert que je regrette le plus d’avoir chassé de mon imagination pour le loger tristement dans mes souvenirs.»
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De Gaulle..
25/10/2005 17:41
Hier soir , à force d’éliminations , je me suis pris à regarder le programme de la 3 « De Gaulle intime »….en mon for intérieur j’ai pensé , après Spiderman , Mégaloman….un raccourci certes inconvenant si l’on veut rester politiquement correct , mais parfaitement approprié avec le recul . Je me suis alors fait la réflexion que j’aurai passé les plus belles années de ma jeunesse dans l’ombre tutélaire de ce géant de légende…1958-1970….j’avais 15 ans à son retour au pouvoir….27 à sa disparition..
…………………………….
Fraîcheur d’un gris matin de printemps…..je sors de l’étroite ruelle où j’habite et foule le trottoir encore désert à cette heure du boulevard Saint-Germain , les noctambules ont rejoint leurs pénates et la classe laborieuse , rare en cet endroit , son métro. Les magasins n’ont pas encore levé leur rideau de fer , seul le café Danton de l’autre côté de l’avenue semble donner signe de vie derrière sa vitrine embuée.
Anachronisme dans le paysage , des agents de police en tenue d’apparat fond le pied de grue à distance régulière , piétinant sur place en soufflant dans leurs mains gantées de blanc pour se réchauffer. Avant que mon esprit ne s’interroge sur l’incongruité de leur présence , je les vois se figer au garde-à-vous tandis qu’arrive lentement , rutilant dans son uniforme de la garde républicaine , un escadron de motards en formation de parade.
Je regarde la scène sans comprendre , unique spectateur de cet étrange ballet….c’est alors que s’avance à faible allure sous les arbres en bourgeons , un cortège de voitures sombres précédé d’une DS décapotée , debout à l’arrière , un grand personnage flanqué d’un plus petit , noir , sanglé dans un costume militaire d’opérette constellé de médailles , tout deux adressent des signes condescendants à une absence de foule….médusé je reconnais le général De Gaulle , je me demande si je suis vraiment éveillé quand il m’adresse un salut que je n’ai à partager avec personne , le cortège poursuit son cheminement en direction de la Seine me laissant éberlué , j’ai l’impression d’être entré dans une autre dimension , totalement surréaliste.
Je traverse le boulevard de nouveau vide , en marchant vers la rue d’Ulm où je me rend chaque matin pour suivre mes cours , la tête me tourne de cette improbable rencontre , il me revient alors en mémoire une autre fois , plus ancienne , où alors j’étais allé délibérément à la rencontre de l’événement.
Ce devait être en 58 , à Cherbourg , la Presse locale avait annoncé la présence en nos murs du tout nouveau président . J’étais allé écouter son discours à l’hôtel de ville , noyé dans la foule refoulée derrière des barrières métalliques à l’amorce de la rue François-la-Vieille noire de monde . Je l’ai vu descendre le perron , se diriger vers nous suivi d’une cohorte de personnalités , tendre ses bras dans la bousculade , tout contre la barrière , serre les mains qui se tendaient comme vers le Messie , il était tout près…figé , ballotté par la ruée , étourdi par les vivats , je regardais ce grand bonhomme ridé , le teint pâle , une mèche blanche dressée par le vent de la plage toute proche sur son crâne dégarni , je ne l’ai pas touché comme tant d’autres autour de moi , mais j’avais néanmoins conscience de vivre un moment exceptionnel , de voir à deux pas , en chair et en os , une légende vivante , j’étais fasciné , bouleversé , comme on peut l’être à 15 ans , autant que quelques mois plus tôt quand j’avais pu apercevoir à la gare maritime , derrière la vitre de sa grosse limousine noire , le visage d’Eisenhower….ce fut très fugitif , il venait de débarquer du « Queen Mary »…prévenu également par la Presse je m’étais déplacé pour ce court instant de contact avec l’Histoire , hors des journeaux , de la télévision ou des manuels scolaires.
Je vois resurgir toutes ces images en longeant les murs du théâtre de l’Odéon , c’était hier , tellement différent et pourtant semblable , je suis bien obligé d’admettre , à mon corps défendant , qu’aujourd’hui encore , l’émotion existe…incontrôlable.
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Offense..
21/10/2005 15:08
Toutes les souffrances
Du monde..
Tous les malheurs
Toutes les guerres
Toutes les faims
Toutes les soifs
Les injustices
Les infamies
Toutes les horreurs
De la terre
Dans les yeux de l’enfance
Dans le cœur de l’enfance
Dans la chair de l’enfance
Qui accuse
Qui refuse
Une aussi grande offense…
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